Chronique

Steve Kuhn With Strings

Promises Kept

Steve Kuhn (p), David Finck (b), Carlos Franzetti (arr, chef d’orchestre)

Label / Distribution : ECM

Steve Kuhn dit de Promises Kept (« promesses tenues », en français) que c’est la réalisation du rêve de toute une vie. En effet, à 66 ans le pianiste fait une déclaration de vieillesse apaisée, tout en douceur et mélodie.

C’est avec « Lullaby », une magnifique berceuse, que Kuhn lance le programme de dix compositions personnelles que Carlos Franzetti vient enrober d’un ensemble de quinze violons, violes et violoncelles. Même si les arrangements romantiques sonnent parfois vieillots, il n’y a pas ici de friction entre d’irréconciliables sonorités jazz et classiques, en tout cas beaucoup moins que lorsque le soliste est saxophoniste ou trompettiste.

Le travail de Franzetti est correct sans être remarquable. On peut regretter qu’il n’y ait pas de véritable interaction entre le soliste et ses accompagnateurs. Aussi - est-ce dû à l’écriture ou à l’enregistrement ? - l’ensemble sonne plutôt plat, alors qu’avec autant d’instruments on s’attendrait à une plus grande richesse des textures.

Sur « Lullaby » comme sur tout l’album, le pianiste joue d’une manière limpide, relativement simple et poignante. Kuhn atteint des sommets de lyrisme avec le morceau-titre : on entend presque des paroles surgir du piano à la place des notes. « Nostalgia » est un quasi-requiem qui culmine avec effort tout en haut du piano : il est rare que les aigus du piano, moins pleins et moins résonants que les autres registres, soient investis d’une telle d’expressivité.

Malheureusement, la beauté exprimée ici est trop unidimensionnelle : ressassés encore et encore, lenteur, phrasé coulant et régulier, 3/4 et 6/8 deviennent pesants. Plus grave, chaque morceau aborde le thème central, cette même déclaration, selon le même angle, tire sur la même corde émotionnelle et finit par l’user et la désensibiliser. Ce manque de diversité est mis en relief par les trop rares moments d’ouverture : la structure plus complexe de « Trance », l’introduction d’« Oceans In The Sky » (où les cordes entourent la basse de David Finck en chuintant comme des insectes), ainsi que les trémolos et la vigueur du piano au coeur du même morceau.

Cet album me fait penser à One More Time, le dernier de Mal Waldron, qui exprimait une tranche de vie similaire, mais avec une palette plus large : il y était démontré que joie et légèreté apparentes (« You ») pouvaient cacher des émotions bien plus graves. Promises Kept est tellement homogène qu’il ne peut plus remplir son but avoué : traduire la richesse d’un regard de musicien sur sa vie. Si l’heure de musique contenue ici est d’une cohérence indiscutable et renferme une bonne poignée de beaux moments, il lui manque un brin de surprise et quelques points de vue différents pour convaincre tout-à-fait.