Chronique

Stefano Di Battista

Parker’s Mood

Stefano Di Battista (as), Kenny Barron (p), Rosario Bonaccorso (b), Herlin Riley (d), Flavio Boltro (tp)

Label / Distribution : Blue Note

Gustav Mahler disait qu’« une oeuvre dont on voit les limites exhale une odeur de mort ». Heureusement pour Stefano Di Battista, la nécrophilie est moins repréhensible en musique que dans le reste de la société. En écoutant Parker’s Mood, on ne peut s’empêcher de repenser à la composition de Charles Mingus, « Gunslinging Birds », et aux mots l’accompagnant : « If Bird had been a gunslinger, there would have been a lot of dead copycats. » [1]

Comment rendre hommage à un révolutionnaire, un innovateur, en l’imitant à 100% ? C’est bien mal aimer que d’idolâtrer - Stitt, Adderley, O. Coleman, S. Coleman, Osby et bien d’autres encore l’avaient compris. Comment faire du jazz tout en se vantant de jouer des transcriptions ? En effet, le site européen de Blue Note informe ceux qui ne s’en seraient pas aperçus que sur « Embraceable You » et « Night in Tunisia », Di Battista rejoue note pour note les parties de Parker. La transcription est un exercice plus qu’utile au musicien pendant ses études, mais quel intérêt sur scène, et a fortiori sur disque ? Le break de Parker sur « Night in Tunisia » est, encore aujourd’hui, un moment de magie. La lecture (sans re-) de Di Battista est à peine une d’illusionisme.

La citation est un procédé honorable, mais enchaîner les citations sans aucun ajout personnel n’apporte rien à l’auditeur. Car là est bien le problème : dans cet exercice technique, quel est l’apport créatif, voire artistique ? On peut établir une comparaison avec le remake plan par plan de Psycho par Gus Van Sant, comparaison renforcée par un Kenny Barron qui s’évertue à reprendre le rôle de Bud Powell et un Flavio Boltro en Miles Davis plus technique. Sur un morceau seulement, Di Battista arrête de phagocyter Parker, pour s’attacher à Adderley. Moment de soulagement ou trouble redoublé ?

Enfin, question essentielle, pourquoi acheter ce disque ? Si vous êtes un fanatique de Di Battista, je peux comprendre : la musique est agréable, forcément, et démontre la virtuosité de chacun, forcément. Mais, ironie du sort, afin de s’assurer que vous ne fassiez pas à Di Battista ce que Di Battista à fait à Parker, Parker’s Mood est « Copy Protected. » Une autre option : permettez-moi de signaler que pour quelques euros de plus, sur Amazon, frais de port compris, vous pouvez vous procurer un coffret de quatre CDs bien conçu, qui ne contient, lui, que du vrai Parker.

par Mwanji Ezana // Publié le 18 octobre 2004

[1« Si Bird avait été gunslinger (s’il avait eu la gâchette facile), il y aurait eu beaucoup d’imitateurs morts »