Chronique

Franck Tortiller & Quatuor Debussy

Cépage(s)

Franck Tortiller (vib, comp), Christophe Collette, Emmanuel Bernard (vln), Vincent Deprecq (vla), Cédric Conchon (cello).

Label / Distribution : Label MCO

Amateur de vin devant l’éternel - et l’éternel, ici, fait souvent 75 cl et a roussi en Bourgogne -, le vibraphoniste Franck Tortiller a franchi un pas qui le taraudait depuis des années : mettre le vin en musique, comme on le met en bouteille. Sans tomber dans l’ornière du mirliflore qui cherche des jambes et de la jupe, qui roule sur les cailloux de l’allée d’un château et se presse de garer l’auto pour rejoindre on ne sait quelle confrérie de notaires ennuyés à chapeaux anecdotiques. Avec le Quatuor Debussy, le vibraphone s’étourdit doucement de « grenache » en une suite très légère où les violons sont de velours et les tentations espagnoles sous l’égide des Franciscains [1]. Il goûte la minéralité du « Syrah » où le vibraphone se lance dans une belle discussion avec le violoncelle de Cédric Conchon qui est souvent à la base de l’écriture de l’ancien directeur de l’ONJ.

Avec Cépage(s), Franck Tortiller célèbre les artisans, le lieu et une forme de gaîté (« Carignan », lui aussi d’Espagne) plutôt que la grandiloquence bourgeoise du sang de la terre. Sa musique préfère ces vins qui faisaient des centenaires à ne plus savoir qu’en faire, et les violons emportent l’ivresse légère dans une forme de contemplation que le vibraphone éclaire (« Enfant trouvé », d’une grande douceur). Après son duo avec Alexandra Lehmler, Tortiller persiste dans une forme de sobriété pleine de douceur que son écriture souligne avec une grande souplesse.

Car c’est bien là le vrai sujet de ce disque. Certes, après un dernier « Cinsault » fragile et tournoyant où le vibraphone laisse les cordes valser, Franck Tortiller interprète le « Old Red Wine » des Who, mais c’est comme un clin d’œil au vin populaire ; au vin qui danse. Le reste de l’album permet encore une fois de juger de la finesse du vibraphoniste et de sa profonde connaissance de la musique écrite occidentale. Le quatuor Debussy est ici dans son jardin, bien ombragé sous la treille.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 mars 2024
P.-S. :

[1La suite évoque Santa Maria de Alcántara, le plus noir des grenaches, qui porte le nom d’une figure religieuse, NDLR.