Chronique

Louise Jallu

Jeu

Louise Jallu (bandonéon), Mathias Lévy (vln), Karsten Hochapfel (g), Grégoire Letouvet (p, synth), Alexandre Perrot (b), Ariel Tessier (dm), Gino Favotti (sons additionnels)

Label / Distribution : Klarthe Records

Un troisième album pour la bandonéiste Louise Jallu, en passe de devenir l’une des musiciennes les plus en vue d’un jazz hexagonal résolument tourné vers des expérimentations inédites. Ici, c’est dans la milonga argentine que la musicienne est allée chercher des sources d’inspiration pour son nouveau répertoire, concocté à l’occasion d’une résidence artistique à la Villa Médicis. S’emparant avec délectation de cette musique de danse, à l’origine très syncopée, elle crée, avec ses musiciens, des pièces à l’architecture vibrante, irriguant ses propositions du souffle issu de son instrument. Tous les instruments se nourrissent de cette respiration spirituelle, jusqu’au violon enfiévré de Mathias Lévy. Elle joue comme si elle respirait, créant des mises en abyme par la superposition de nappes sonores à la sensibilité infinie, générant des maelstroms émotionnels ravageurs.

Des pièces classiques de Schumann, Berg, Bach et Ravel font l’objet d’un recyclage résolument contemporain, aux effluves bluesy, rehaussées par les arpèges de guitare électrique, lorgnant parfois vers la transe sous l’effet du jeu de batterie chamanique d’Ariel Tessier. Des perturbations sonores et électroniques bien senties en rajoutent dans la sensation d’urbanité générée tout au long de l’album. Ainsi de ces sirènes de voiture de police vite remises à leur place par la maestria de la Jallu et de son gang. Ou encore de ce rapt subversif sur une chanson de Brassens - avec le chanteur Cali : voilà qui devrait défriser plus d’un.e mélomane jazzophile ! La mélancolie joyeuse (ô oxymore) déployée tout au long de ce disque invite à une douce catharsis délicieusement contagieuse.

par Laurent Dussutour // Publié le 28 avril 2024
P.-S. :

Avec : Cali (voc), Coco-Grace Caliciuri (violoncelle)